الأحد، 29 يوليو 2012

Révélations Wikileaks. Enquête détaillée sur la corruption à Sonatrach

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Classifié par : l’ambassadeur David D. Pearce. Raisons : 1.4(b), (d) (2010)

SUJET : ALGÉRIE : ENQUÊTE SUR LA CORRUPTION DE DIRECTEURS DE LA COMPAGNIE PÉTROLIÈRE NATIONALE

1. (C/NF) Huit directeurs de la compagnie pétrolière nationale algérienne Sonatrach, incluant le Directeur Général, sont sous une enquête de corruption et ont été licenciés et remplacés. Les initiés de l’industrie ont peur que les opérations de la compagnie ne soient bientôt affectées. Les services de renseignement algériens mènent l’enquête. Ce scandale est le dernier d’une série spectaculaire d’investigations et de poursuites que nous avons observé depuis un an, impliquant des ministres du gouvernement algérien et des entreprises publiques. Significativement, la plupart des ministères concernés sont dirigés par des ministres considérés comme proches du Président algérien Bouteflika, dont le ministre de l’Energie/Mines Chakib Khelil. Les spéculations vont bon train à propos du fait que les querelles intestines entre les dirigeants civils et militaires seraient derrière cette affaire, mais nous n’avons pas de preuve tangible. Le silence déterminé de Bouteflika ne fait qu’alimenter l’incertitude. Fin du résumé.

Huit hauts fonctionnaires impliqués

2. (U) Un scandale de corruption a éclaté, impliquant la plus grande entreprise d’Algérie, la compagnie d’État ayant le monopole sur le pétrole et le gaz, Sonatrach. Les premiers rapports de presse relatent que le 14 janvier un juge d’instruction a ordonné au PDG de Sonatrach Mohamed Meziane, au vice-président des pipelines Benamar Zenasni, au vice-président des activités en amont Boumediene Belkacem, et cinq autres cadres de la compagnie de répondre à des questions concernant des allégations d’irrégularités dans l’attribution de contrats à deux entreprises de consultation appartenant aux fils de Meziane et un fournisseur d’équipement de sécurité. Ils ont été interrogés pendant vingt heures.

3. (U) Les huit fonctionnaires de Sonatrach ont été mis en examen (« contrôle judiciaire » qui oblige une personne à faire un rapport périodiquement à la police et à ne pas quitter le pays). Certains ont été détenus. Meziane lui-même a été placé sous contrôle judiciaire ; deux vice-présidents ont été détenus dans la prison de Serkadji. Un autre haut fonctionnaire de Sonatrach, le vice-président pour la commercialisation Chawki Rahal, a été placé sous contrôle judiciaire. Quatre directeurs de Sonatrach (pour les affaires sociales, l’exploration, les pipelines et le transport, et la commercialisation) ont été placé sous contrôle judiciaire. Les deux fils de Meziane sont détenus – certains disent pour avoir été les actionnaires majoritaires des compagnies auxquelles la Sonatrach attribuait des contrats. Tous les efforts déployés par les avocats de la défense pour lever les détentions et les contrôles judiciaires ont été rejetés. En dehors de la Sonatrach, l’ancien Directeur Général de la banque du Crédit Populaire d’Algérie Hachemi Mehaoui et son fils ont été mis en détention.

4. (U) Abdelhafid Feghouli, vice-président des opérations en aval, a été immédiatement nommé Directeur Général de Sonatrach [NDLR : presque un an plus tard, Feghouli est sous mandat de dépôt pour corruption au sein de Sonatrach]. Les trois autres vice-présidents sous suspicion ont été remplacés. Le ministre de l’Energie/Mines Chakib Khelil, dont le ministère est responsable de Sonatrach, a affirmé lors d’une conférence de presse le 17 janvier que l’enquête l’avait pris au dépourvu et que tout ce qu’il savait était ce qui avait été rapporté par la presse. Depuis, il a refusé de discuter des allégations ou de prendre la responsabilité de l’affaire, disant le 2 février qu’il n’avait pas les détails des accusations et qu’il ne démissionnerait pas. Khelil a plaidé qu’il était responsable du secteur entier de l’énergie mais pas de la gestion de Sonatrach ou une autre des 50 compagnies d’énergie de l’Etat relevant du mandat de son ministère. Il a assuré à la presse peu après que l’affaire eut éclaté que la production de Sonatrach ne serait pas affectée et que la compagnie continuerait de mener à bien tous les projets en cours. Dans la semaine du 24 janvier, la presse a rapportée que les avocats de Sonatrach ne défendraient pas les suspects, puisque Sonatrach était la victime des fraudes qu’on les suspectait d’avoir commis.

Les producteurs étrangers inquiets

5. (C/NF) L’ambassadeur a rencontré le 27 Janvier XXXXXXXXX. La source de Meziane XXXXXXXXX lui a dit que la question à l’étude était l’attribution de contrats de Sonatrach à un fournisseur unique. Les réglements de Sonatrach spécifient des conditions strictes pour ce type de contrat (« procédure R-115). Seul le Directeur Général Meziane aurait eu le pouvoir de les autoriser et de les approuver.

6. (C/NF) XXXXXXXXX a entendu dire que 1600 contrats étaient sous enquête. Certains de ces contrats seraient passés par les fils de Meziane. Quelques années auparavant, Sonatrach avait pressé Anadarko d’entrer dans un tel contrat avec conjointement les États-Unis et la coentreprise algérienne BRC (Brown and Root-Condor) pour développer le champ pétrolier d’el-Merk. XXXXXXXXX, le contrat ne fut jamais réalisé, BRC fut liquidée, et en 2008 Sonatrach a donné le contrat el-Merk à Anadarko. XXXXXXXXX a déclaré que ce contrat ne faisait pas partie de ceux qui sont soumis à l’enquête. (Commentaire : BRC, cependant, figure dans la liste des enquêtes en cours citées dans la presse. Fin du commentaire).

7. (C/NF) XXXXXXXXX a noté qu’Abdelhafid Ferghouli, ancien vice-président pour les opérations en aval et maintenant Directeur Général par intérim, est le (désormais ex-) vice-président de Sonatrach qu’Anadarko ne connaissait pas. XXXXXXXXX doutait qu’il allait rester longtemps à la position la plus élevée. Personne ne s’attend à ce que les fonctionnaires de Sonatrach sous enquête ne retournent à leurs postes antérieurs.

Continuité des opérations de Sonatrach

8. (C/NF) L’affirmation du ministre de l’Énergie/Mines Khelil le 17 janvier que les opérations de la compagnie ne seraient pas affectées n’est pas restée incontestée. Plusieurs rapports de presse provenant d’initiés et d’experts industriels disent que la peur a paralysé les rangs supérieurs de Sonatrach, qui ont tous peur de prendre une décision. XXXXXXXXX a confirmé cette évaluation, et nous avons entendu des points de vue similaires chez les français – très préoccupés par Sonatrach puisque la compagnie pétrolière française Total est exposée ici—et d’autres diplomates. Il a dit que tous les hauts fonctionnaires, au moins au niveau des opérations en amont avec lequel il est familier, regardent derrière leurs épaules et ont peur de prendre des décisions ou de signer quoique ce soit. La compagnie ne voulait pas signer les avenants aux contrats d’assurance sur la production pétrolière XXXXXXXXX rendus nécessaires depuis les modifications du budget de 2009 (Loi des Finances Complémentaires) – contrats dont l’ancien vice-président des opérations en amont Belkacem était responsable. Sonatrach avait contacté des compagnies d’assurance étrangères pour fournir cette assurance. Maintenant, ces compagnies n’ont toujours pas été payées. Elles cesseraient d’assurer les opérations de production XXXXXXXXX pour longtemps. Si cela se produisait, le travail s’arrêterait. XXXXXXXXX a dit que les champs XXXXXXXXX constituent le plus grand projet en amont avec une participation étrangère en Algérie.

Le rôle principal des services de renseignement d’Algérie

9. (C) Tous les documents rapportent que l’équivalent algérien de la DNI [Director of National Intelligence], le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) , qui ne fait plus partie du Ministère de la Défense Nationale, a mené l’enquête. Même si la sortie du DRS hors de l’ombre et sous les feux des projecteurs est sans-précédents, son service spécial d’investigation des corruptions internes a été actif pendant des années (i.e., même aussi loin que l’ère Boumédiène [NDLR : Houari Boumédiène, président de la République algérienne démocratique et populaire de 1965 à 1978]). Le magazine « Jeune Afrique » a récemment affirmé, par exemple, que le DRS a enquêté sur 1650 élus locaux algériens (soit environ un sur dix) depuis 2002 pour corruption. XXXXXXXXX était très conscient de l’implication du DRS dans l’affaire Sonatrach et les affaires annexes, et a relaté que l’ancien vice-président Belkacem, au cours de plusieurs réunions avec XXXXXXXXX, a été extrêmement prudent dans ce qu’il disait lorsque d’autres, même du personnel de la compagnie, étaient présents. Il était très surveillé sur le téléphone. XXXXXXXXX a imputé ce comportement à l’inquiétude suscitée par la surveillance du DRS. XXXXXXXXX a confié que le DRS a interrogé beaucoup de membres du personnel local de la société XXXXXXXXX.

Ramifications politiques

10. (C/NF) XXXXXXXXX a noté que personne ne croit le ministre de l’Énergie/Mines Khelil lorsqu’il clame ne rien savoir à propos de l’enquête. La plupart croient que Khelil a guidé les opérations de Sonatrach. XXXXXXXXX a noté que ses conversations avec des initiés industriels l’ont mené à un cousin du ministre connu seulement comme Hemche, qui était un conseiller proche de l’ancien Directeur Général Meziane. Ses sources pensent que Hemche était un décideur clé, même si Meziane a réalisé les signatures. Début décembre dernier, Hemche a soudainement pris sa retraite et s’est retiré dans une résidence à Lugano, en Suisse.

11. (C) L’ambassadeur a noté qu’Alger est bouillonnante de spéculations à propos du contexte politique de ce scandale et d’autres affectant plusieurs ministères et entreprises publiques. Certains ont cru qu’il s’agissait d’une conséquence logique de l’engagement maintes fois exprimé par le Président Bouteflika de s’attaquer à la corruption. La plupart, cependant, interprètent l’action du DRS contre les hauts fonctionnaires de Sonatrach – qui doivent tous leurs emplois à Bouteflika – comme les représailles militaires via le DRS contre le contrôle civil que Bouteflika a imposé depuis sa réélection pour un second mandat en 2004.

Commentaire

12. (C) Les enquêtes contre les dirigeants des sociétés qui financent plus de la moitié du budget du pays et produisent 98% de ses recettes d’exportation ont choqué le pays et généré des spéculations rampantes sur les motivations politiques sous-jacentes. Dans un pays où les relations de pouvoir et les processus sont opaques, la spéculation est un tissu aussi dur que la preuve est rare. Un analyste de visite d’une entreprise américaine de premier plan d’analyse des risques a dit à Poloff la semaine du 31 janvier, par exemple, que tous ses contacts croient que le DRS a formé cette enquête pour envoyer un message à Bouteflika, soit pour qu’il donne aux proches des généraux principaux une plus grande part du gâteau économique, ou pour que le « clan » des Algériens de l’Ouest de Bouteflika cède le pouvoir aux militaires (que beaucoup considèrent dominés par des Algériens de l’Est), ou simplement pour que l’autorité civile dominante redonne de l’influence derrière les coulisses aux militaires. En dépit de ces théories et d’autres que nous avons entendus, nous ne disposons pas de preuves formelles pour une quelconque interprétation politique particulière. Ce qui est certain c’est que les infractions reprochées dans cette affaire de corruption peuvent ne représenter seulement que la pointe de l’iceberg – ce qui est précisément le point d’une lettre ouverte publiée à l’intention du DRS par un ancien vice-président de Sonatrach le 30 janvier dans le quotidien français « El Watan ». Cet article a exhorté le DRS de se pencher sur une liste d’opérations de Sonatrach bien plus grande, incluant les ventes sur le marché à une poignée de clients reliés aux plus hauts membres de la structure du pouvoir [de Sonatrach]. La source américaine des analyses de risques était certaine que la DRS a utilisé cet article comme un nouvel avertissement pour l’autorité civile.

13. (C) Ce cas est le dernier d’une série d’enquêtes sur la corruption, qui ont commencé à faire surface avec une fréquence croissante depuis le printemps dernier et qui est maintenant en compétition avec l’indignation des mesures de la TSA et l’échec de l’Algérie pour gagner la Coupe d’Afrique de football pour les titres de la presse quotidienne. Deux autres grands cas en cours présument des actes répréhensibles, dans la construction de l’autoroute Est-Ouest et dans l’attribution de licences de pêche à des entreprises turques. D’autres impliquent l’opérateur de téléphone Algérie Telecom contrôlé par l’État, BRC (mentionné précédemment), et la Banque Nationale d’Algérie. Peu de cas ont conduit actuellement à un procès ou une condamnation, durcissant l’opinion largement répandue que les principaux responsables politiques continuent de s’enrichir sur les fonds publics en toute impunité. Avec la présence supposée des « commissaires » du DRS dans pratiquement toutes les entreprises publiques ou ministères, les hauts fonctionnaires sont dit inquiets que chaque visiteur, en particulier non-Algérien, soit dûment constaté et signalé. Les fichiers du DRS, déjà gonflés par des décennies de saletés financières et politiques sur à peu près tous les Algériens notoires, sont dit grandissant avec des informations sur des relations d’affaires suspectes ou d’allégations de faveurs spéciales. La grande question à laquelle personne ne peut répondre définitivement est de savoir si Bouteflika orchestre cette campagne éclair anti-corruption, comme l’a clamé publiquement Ouyahia, ou s’il s’agit de son objectif ultime. Son silence, a noté la presse, n’a fait qu’alimenter les spéculations. PEARCE

(traduit de l’anglais par operationleakspin.wordpress.com)
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